Brûler le radeau

Brûler le radeau, celui qui a permis de traverser les grandes eaux.

Je le laisse avec mes anciens habits, je laisse sécher les vieilles peaux. Je me construis un nouveau vaisseau, fait de chair et d’os, de terre et de mer.

Il n’est pas aisé de brûler ce qui m’est si cher. Mais il le faudra pourtant.

Ce radeau m’a sauvé la vie, m’a permis de traverser les mers tumultueuses, de naviguer tranquille pour prendre du repos, mais voilà que sur la rive, ce radeau pèse trop, il ralentit mes pas et m’empêche de prendre la route.

Alors je fais un grand brasier et j’y jette ce que j’ai de plus cher. Dépouillée de ce qui me protégeait, me voilà nue devant le sentier.

Nue mais confiante.

Dans ma main, un peu de sel. Dans mes yeux, le bleu d’une Voie lactée, dans mon corps, tout le tumulte recueilli en mon sein.

J’ai tout brûlé, même la mélancolie, cette tendresse qui m’a tenue la main. J’ai joint mon souffle sacré pour que le brasier s’enflamme, me suis engagée à activer le feu, puis, suis restée témoin, là, de ce qui restait, plus rien. Suis-je soulagée? Suis-je craintive? Je suis tout cela à la fois, mais si je concentre mon attention sur mon Être alors j’ai confiance de pouvoir tourner mon regard vers l’inconnu avec ouverture, curiosité et audace.