“L’esprit crée le gouffre, le coeur le franchit.” Sri Nasargadatta
On entend souvent parler “d’ouverture du coeur” ou de “coeur éveillé”, qu’en est-il? De manière simplifiée, on pourrait dire que l’ouverture du coeur consiste à laisser les événements de la vie nous toucher pleinement, adopter une posture de perméabilité et laisser les émotions nous traverser sans échafauder un système sophistiqué de filtre, ni de tri.
Ce processus demande de la vigilance et de l’honnêteté pour être à même de voir et de ressentir les moments de fermeture. C’est en quelque sorte un engagement à s’ouvrir toujours davantage; de ne pas se satisfaire d’ouvrir que sur nos territoires préférés.
Vous pourrez ressentir ces automatismes de fermeture dans votre corps, comme une tension ou une contraction, et dans votre coeur, comme un resserrement. Une personne vous lance un jugement et voilà que vous êtes en état de fermeture. Rien n’y paraît de l’extérieur, mais en vous déjà, vous n’êtes plus disponible, c’est fermé!
Nous faisons tous cela! Par habitude et par besoin de protection. Toutefois, à la longue, ce mécanisme finit par réagir beaucoup trop promptement et à tous vents!
Le coeur souffre en position de fermeture, il a été créé pour s’ouvrir; c’est son état naturel! Et à force de lui imposer ce dur traitement, il perd de sa vitalité, de son enthousiasme, de sa capacité d’aimer…
Ces émotions refoulées, niées, rationalisées, demandent à être vues et entendues! Chaque nouvel événement déclencheur appuie sur ces mémoires, qui crient de plus en plus fort pour qu’on leur porte attention. Comme un enfant dont on ne prend pas en compte la tristesse qui se met alors à crier de colère!
Tout est vivant, en soi et autour de soi. Les émotions sont des informations, tout comme les pensées. Plus subtiles que la forme de notre corps, mais ce sont des formes tout de même! On ne peut pas simplement les écarter imaginant que magiquement cela les fera disparaître: elles demandent seulement à informer après tout, ce sont des alliées! Ces messages sont de véritables repères intérieurs pour notre mieux-être.
Bien entendu nous avons des préférences! Nous recherchons entre autres la joie, la célébration, l’amour, la satisfaction et, même, tentons de les saisir pour qu’elles s’accrochent à nous plus longuement. Mais force est de constater qu’une fois vécues, ces émotions cessent, elles aussi.
Mais qu’en est-il de la douleur? Réfractaires à cette sensation, nous la repoussons presqu’instinctivement. Plusieurs théories du développement de la personne pourront expliquer ceci : survie, théorie de l’évolution, etc.
La douleur ne cesse pourtant d’exister parce que nous la nions. Elle se cristallise ici dans notre être. Et chaque nouvel événement douloureux touche la blessure qui grandit toujours davantage. Un jour, on se dit qu’on ne pourra plus regarder là, craignant cette intensité. C’est devenu trop gros! Le système interne ne va pas tenir!
Mais oui, il va tenir! Et même il va vous remercier! Lâchez les digues, laissez les grandes eaux remplir les terres…et pleurez! Pleurez longuement tout ce qui n’a pas été pleuré. Il faudra bien entendu ressentir la douleur et c’est pas agréable par où ça passe! Mais en développant notre capacité à ressentir la douleur, on développe aussi notre capacité à accueillir, et donc à laisser les émotions nous traverser naturellement. La douleur, comme toutes les autres émotions, finit par passer. Notre corps et notre mental sont des lieux de visite des pensées et des émotions. Plutôt que de les tenir enfermées en soi, on permet la libre circulation. Évidemment, ça fait peur! Alors il faudra regarder la peur et l’inviter “for a cup of tea” comme disent affectueusement les Anglais.
Attention cependant au piège de la pensée magique : ce n’est pas parce que c’est vécu une fois, que c’est terminé pour la vie. Non. Le tsunami deviendra grandes vagues, puis moyennes, pour éventuellement devenir des vaguelettes qu’on regardera avec tendresse et amitié.
On aura l’espace en soi pour dire : te voilà tristesse, te voilà douleur, hum, je te vois, je t’écoute, je te ressens, et une fois son message livré, elle s’en ira! Et plutôt que de contenir une douleur en soi, vous découvrirez un cadeau! Car elle a un message!
Il y a donc des étapes dans ce processus. Et il faudra y mettre beaucoup de compassion. Il faudra peut-être demander de l’aide pour nous soutenir, de l’accompagnement, des pratiques aussi de centration de l’attention pour développer la vigilance et discerner les émotions, et aussi ne pas recommencer à empiler de nouveau. Vivre le moment, lorsqu’il se présente.
C’est comme un grand ménage de son intériorité. Cela, nous le faisons, pour vivre autre chose! Sinon, c’est toujours les mêmes informations en soi, et la vie se déroule comme si c’était la même musique qui rejouait alors que c'est à nous de créer de l’espace pour que du nouveau nous visite. Il s’agit de libérer, de faire de la place pour plus de fraîcheur, de légèreté et de liberté. Parce que ça peut être coincé, rétracté à l’intérieur; lorsqu’on ne peut regarder ni à gauche, ni à droite, ni en bas, ni en haut, comment explorer la vie avec aussi peu d’horizon en soi? Et qui peut bien faire l’économie d’un coeur léger? Faire la paix en soi, se pacifier, c’est aussi s’unifier et par conséquent, c’est s’ouvrir réellement aux autres, de tout son être, en toute authenticité.
Ce processus d’unification, on peut le faire, dès maintenant!